SOISSONS (Aisne). Après le suicide d'une enseignante dans sa salle de classe à Villeneuve-Saint-Germain, les syndicats relancent le débat sur les conditions de travail d'une profession qu'ils jugent de plus en plus malmenée.

Le suicide brutal d'Annick Martin sur son lieu de travail leur laisse un goût amer. « Se suicider dans sa salle est un geste fort », assure Guillaume Hily, responsable départemental de la FSU (Fédération syndicale unitaire).

José Gaspar, secrétaire départemental Sden-CGT, est aussi convaincu qu'il existe une corrélation avec le métier d'enseignant. « On ne peut pas écarter d'un revers de main l'univers professionnel comme le fait le rectorat. Elle revenait d'un an d'arrêt maladie, et c'est sur son lieu de travail qu'elle a mis fin à ses jours. Ce n'est pas anodin. L'Etat, qui est l'employeur, ne doit pas fuir ses responsabilités. Il y a un malaise général de la profession que l'on tente sans cesse de minimiser. Beaucoup de collègues, un peu partout, sont sur le point de craquer. »

Aucune lettre

Guillaume Hily évoque des conditions de travail qui se dégradent. « On sent un malaise profond chez les enseignants. On leur en demande de plus en plus, la paperasse se multiplie, les relations avec les chefs d'établissement et la hiérarchie deviennent parfois difficiles. Tout cela pèse très lourd sur le moral. Et puis, c'est un peu chacun pour soi. »

Dans l'Aisne, selon le syndicaliste, ils seraient de plus en plus nombreux à exercer ou vouloir exercer à mi-temps ou à trois quarts temps : « Il devient difficile de faire face aux réalités du métier. La société a changé. On attend beaucoup d'un enseignant, qui doit au final se débrouiller seul. »

José Gaspar poursuit la liste : les classes surchargées à 35 élèves, la réforme de la formation professionnelle et un métier en mutation où faire du chiffre devient une obsession… « Quant à la médecine du travail, elle est quasi inexistante. » Mais le militant syndical concède des avancées. « On commence à peine à prendre en compte la santé au travail dans l'Education nationale. Depuis que je suis enseignant, c'est-à-dire depuis 1989, je n'ai vu aucun médecin du travail. »

Depuis quelques années, dans l'académie d'Amiens, un protocole d'accompagnement du personnel en difficulté est en place. Signe que les souffrances à l'école, au collège et au lycée existent.

Lundi, Annick Martin, 53 ans, n'a laissé aucune lettre permettant d'expliquer les raisons de son passage à l'acte. Le Sden-CGT a indiqué hier qu'il saisirait aujourd'hui le rectorat afin que le CHSCT académique (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) se réunisse dans les plus brefs délais. José Gaspar : « Notre collègue, en se suicidant dans sa salle de cours, mérite que l'on réfléchisse sur les causes. »

Aurélie BEAUSSART - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.